"Il rentra chez lui un peu avant onze heures pour réveillonner avec du pain et une poignée de figues sèches. Il était d'une très sombre humeur. Depuis longtemps déjà, il affectait de rentrer tôt dans cette nuit où le troupeau avait licence de noctambuler. Il détestait ce piétinement grégaire, ces chansons d'ivrognes ou ces dégoisades de mauvais opéra qui souillaient les ténèbres, et l'hypocrite obscénité de ces ripailles universelles, de ces saoulographies, de ces pinographies que la chafouine Eglise était bien contrainte de tolérer, puisqu'il ne restait plus rien, hors cette ordure, pour rappeler ici-bas la naissance d'un Dieu.
- Scheisse ! Vraiment la seule nuit de l'année où il convienne de se coucher de bonne heure. Il devrait être interdit de fêter Noël, passé douze ans."
Lucien Rebatet, Les deux étendards, Gallimard, 1951, p. 805 .