vendredi 24 décembre 2010

En forme de poire

Il est un snobisme purulent qui relègue Erik Satie à l'avant-dernier rang, juste devant Clayderman Richard et Rieu André. Idiotie complète. Pour être, c'est ce qu'on lui reproche le plus souvent, minimaliste, le travail de Satie n'en est pas moins savant, puissamment novateur, et, ce qui à nos yeux le consacre pour de bon, tendu vers un universel que seul Passeron Jean-Claude oserait concéder à Rieu André ou Clayderman Richard.

Surréaliste un peu avant l'heure, en attestent ses écrits, les titres de ses morceaux et les notes délirantes apposées sur ses partitions (le fameux "postulez en vous-même" ...), Satie est parlant tout en ne versant, à y bien regarder, jamais dans le vulgaire.

Soit exactement ce qui fait que certains durent et d'autres pas.

mercredi 22 décembre 2010

Rossini, Liszt, ... De Funès

L'honnête homme considérera l'incroyable capacité de l'ami Franz Liszt à retranscrire les oeuvres pour orchestre. Ici, la fameuse "Danza" qui était, pour les grands cinéphiles d'entre nos lecteurs, précisément la musique sur laquelle ce bon Louis De Funès réparait sa voiture dans Le corniaud, chef-d'oeuvre s'il en est.

La version orchestrale, donc, suivie de la pianistiquerie de Lizst. A couper le souffle, pour tout dire.



jeudi 9 décembre 2010

Joyeuses fêtes


"Il rentra chez lui un peu avant onze heures pour réveillonner avec du pain et une poignée de figues sèches. Il était d'une très sombre humeur. Depuis longtemps déjà, il affectait de rentrer tôt dans cette nuit où le troupeau avait licence de noctambuler. Il détestait ce piétinement grégaire, ces chansons d'ivrognes ou ces dégoisades de mauvais opéra qui souillaient les ténèbres, et l'hypocrite obscénité de ces ripailles universelles, de ces saoulographies, de ces pinographies que la chafouine Eglise était bien contrainte de tolérer, puisqu'il ne restait plus rien, hors cette ordure, pour rappeler ici-bas la naissance d'un Dieu.
- Scheisse ! Vraiment la seule nuit de l'année où il convienne de se coucher de bonne heure. Il devrait être interdit de fêter Noël, passé douze ans."


Lucien Rebatet, Les deux étendards, Gallimard, 1951, p. 805 .

lundi 6 décembre 2010

En vacances


"Une salle à manger de petit hôtel montagnard, après deux mois de saison, justifie à merveille la zoologie unanimiste de Jules Romain. Jamais on ne se sent plus étranger que lorsqu'on pénètre ainsi à l'improviste dans une petite communauté qui demain se défera, mais est devenue pour quelques semaines étroitement solidaire dans sa lutte contre le même ennui. Michel avait flairé dès la porte une de ses bêtes noires, le bourgeois en vacances. Quand l'univers est à découvrir, quand il y a l'Espagne, le Spitzberg, la Grèce, quand les fresques d'Italie et les aurores boréales sont à la portée d'un étudiant économe, ce bestiau vient s'entasser pendant deux mois entre les mules et les vaches d'un hameau perdu, sans même y être contraint par l'état de ses poumons, par simple absence d'imagination. (...)"


Lucien Rebatet, Les deux étendards, Gallimard, 1951, p. 581 .

mercredi 1 décembre 2010

Contre l'idiome bâtard


L'honnête homme, sans perdre une minute, se précipitera sur le Monde Diplomatique de ce mois de décembre. Il y trouvera à la page 27 un article épatant de Gaston Pellet intitulé "Les élites sacrifient la langue française". Ce que nous, amiral de France, nous égosillons à hurler partout, tout le temps, mais en mieux dit.

Chopin le viril


"(...) Il faut être un snob recuit ou un organiste hongre (...) pour ne pas mettre Chopin dans la plus grande famille. Il a résisté à tout, aux institutrices de pensionnats, aux fausses notes de petites filles dans les quartiers aisés, aux quadragénaires adultères qui en repaissent leurs ardeurs dans les mélos de feu Bataille. Que la phtisie trop romantique et les feuilletons ne vous empêchent surtout pas d'aimer Chopin. Il est délicat, il est gracieux. Mais n'oubliez jamais qu'il est viril aussi. Pensez aux mazurkas, les taches rouges et blanches des courtes jupes qui volent, les menus pieds de jeunes filles qui frappent la cadence dans les petites bottes, et ces cambrures sur lesquelles on voudrait passer la main. Rien de plus féminin. Et pourtant cela est bien vu par un homme. C'est entendu, il y a des bacilles de Koch dans son art. Mais ils ont mis la suprême touche à son génie. Et quel pur classique ! Tous les Latins sont des bavards auprès de ce Lorrain né dans les steppes. Ses idées sont d'autant plus ravissantes qu'il n'y insiste jamais. Elles passent comme d'adorables femmes qu'on ne reverra pas. Il faudrait interdire qu'on jouât Chopin pendant vingt années, pour qu'on pût rêver à lui, et le retrouver avec un coeur tout neuf. Ce serait une pensée digne de ce maître de tous les raffinements."


Lucien Rebatet, Les deux Étendards, Gallimard, 1951, p. 354