jeudi 14 mai 2009

vendredi 8 mai 2009

Autre interlude: hygiénistes



" Pendant ce temps on avait appris peu à peu que je fréquentais beaucoup les cafés et que, en réalité, j'étais, en secret, un ivrogne. J'en fus à peine surpris car les potins étaient fort en vogue précisément dans le monde universitaire, chez les hommes et chez les dames. Cette humiliante découverte n'eut aucune mauvaise influence sur mes relations ; on me rechercha tout au contraire, car on était entiché de tempérance ; ces messieurs et dames appartenaient aux comités d'une société antialcoolique et se réjouissaient chaque fois qu'un pécheur leur tombait sous la main. Un jour eut lieu la première attaque, en toute politesse. je fus invité à méditer sur la honte de la vie de cabaret, sur la malédiction de l'alcoolisme, et tout cela au point de vue sanitaire, éthique et social. On m'invita aussi à assister à une des fêtes de la ligue. Je fus extrêmement surpris, car j'avais à peine entendu parler jusqu'ici de toutes les sociétés et de tous les mouvements de ce genre. La séance, agrémentée de musique et teintée d'esprit religieux, fut d'un comique assez pénible et je ne fis pas mystère de mes impressions. Pendant des semaines on essaya d'agir sur moi avec une amabilité indiscrète, la chose devenait tout à fait assommante et, un soir, comme on me chantait encore la même antienne, et espérait passionément ma conversion, je me mis en rage et je demandai énergiquement qu'on voulût bien m'épargner ces criailleries. (...)
Je pris d'autant plus de plaisir à une petite mésaventure comique qui se produisit au cours d'une grande démonstration des partisans de l'abstinence. La grande société banquetait à son siège social avec de nombreux invités. On fit des discours, on noua des amitiés, on chanta des choeurs et célébra par des "Hosanna" les progrès de la bonne cause. Un homme de peine qu'on avait engagé comme porte-drapeau trouva trop longs ces discours dépourvus d'alcool, il s'éclipsa dans un café proche, et quand le défilé solennel de démostration commença par les rues, des pécheurs purent s'offrir la joie maligne d'un amusant spectacle et voir à la tête des troupes enthousiastes un joyeux ivrogne, tenant de ses bras le drapeau de la Croix-Bleue comme un mât de navire en perdition, s'avancer en titubant.
Le bohomme soûl disparut, mais ce qu'on ne fit point disparaître, ce furent les milles vanités trop humaines, les jalousies et les intrigues mesquines qui s'étaient fait jour au sein des groupements et des commissions concurrentes et qui s'épanouirent dans une floraison de plus en plus joyeuse. Le mouvement se fractionna, quelques ambitieux voulaient s'approprier toute la gloire, et s'indignaient à propos de tout ivrogne qui n'était pas converti en leur nom. On abusa odieusement de nobles collaborateurs désintéressés - il n'en manquait pas - et les observateurs bien placés ne tardèrent pas à avoir l'occasion de s'apercevoir que là aussi, sous une étiquette idéaliste bien des malpropretés humaines faisaient monter vers le ciel leur infection. Je fus tenu au courant par des tiers de toutes ces petites comédies, je m'en réjouis en secret et, en rentrant la nuit de mainte beuverie, je me suis dit : Voyez, nous autres pécheurs nous sommes tout de même mieux que cela!"

Hermann Hesse, "Peter Camenzind", 1904.

jeudi 7 mai 2009

Interlude : habitus et orgueil


"(...) ; des gens entraient et sortaient, parlaient, se saluaient, riaient, fumaient et faisaient des plaisanteries - tous des gens du bas-pays, des gens aux manières aisées, à la parole facile, sociables - et moi, gros lourdeau des hautes terres, j'étais là au milieu d'eux, m'obstinant dans mon silence et dans ma tristesse. J'eus le sentiment d'être pour toujours arraché aux montagnes sans pouvoir cependant jamais devenir semblable à ces hommes du pays plat, jamais joyeux, jamais adroit, jamais à l'aise et sûr de moi comme eux. Des individus de cette sorte se moqueraient toujours de moi; (...)"

Hermann Hesse, "Peter Camenzind", 1904.

jeudi 19 février 2009

I comme Icare : l'experience de Milgram

Un extrait du célèbre "I comme Icare" d'Henri Verneuil (1979). Y est décrite avec précision l'expérience dite "de Milgram" sur le rapport des individus à l'autorité et à ses symboles. Une fine approche de la force de ce que Weber appelait autorité légale-rationnelle , à voir absolument.



I comme Icare Milgram
envoyé par PPPlazaref


Certains diront que de nos jours, rares seraient ceux qui accepteraient le chercheur ès sciences humaines comme incarnation de l'autorité.

Se demander alors quelles sont les figures d'aujourd'hui qui l'incarnent, cette autorité, se demander qui, de par son statut et le lustre de sa fonction peut pousser l'individu, à défaut de lui faire inoculer des décharges électriques à d'autres individus, à bien des déviances, jusqu'aux plus humiliantes et aux plus extrêmes. Qui, par extension, peut faire passer ce qu'il dit pour parole d'évangile, du simple fait que c'est lui, armé des attributs qui font son autorité, qui dit.

Un indice:

mercredi 18 février 2009

Une drôle de trouvaille

Il y a, dans cet éloge du "qui bouge", dans la façon dont sont nippés les protagonistes, un petit quelque chose qui sonne Homo festivus, c'est clair. Mais il y a aussi une manière de filmer qui, allez savoir pourquoi, renvoie un peu au néoréalisme, voire, soyons fous, à Pasolini. Ajoutons à cela un brin d'humour, une ligne de basse séduisante, le plaisir jamais las de voir Lisbonne sous son beau jour, et le travail a quelque charme:

vendredi 6 février 2009

Incroyable

Amis des belles cordes...

... C'est ici que ça se passe: Du grand Menuhin à Oïstrakh en passant par Heifetz, ils y sont tous ou presque. Documentaire passionnant, et pour tout dire émouvant, où l'on approche ce qu'est le violoniste virtuose, où l'on devine tout le travail et tout le talent qui font la grandeur d'un génie et de sa musique.

mercredi 4 février 2009

lundi 2 février 2009

Interlude: Beijo de saudade



On sait qu'il y a les fenêtres, les cris aux fenêtres, le linge aux fenêtres.
On connait les touristes en pagaille, les épais bavarois, les tristes anglois, les francs vulgaires, les ibères qui rutilent.
On sait le mal que fait l'époque, on voit tout qui devient sucre, image et bruit.
On sait que pour vous aussi, tout n'est qu'une question de temps, tout va finir, c'est sûr.
Mais on n'oubliera pas la chaleur de vos rues.
On gardera en tête chaque recoin, chaque parfum.
On prendra le temps de s'assoir, on repensera à l'indicible, tout l'indicible de par chez vous.
Elle nous marquera au coeur, profond, violent.
Car on n'oublie jamais, quand on les a foulé, les pavés de la ville
La ville au bord du Taje.

mardi 27 janvier 2009

lundi 26 janvier 2009

Rue L.F. Céline


"Autant pas se faire d'illusion, les gens n'ont rien à se dire, ils ne se parlent que de leurs peines à eux chacun, c'est entendu. Chacun pour soi, la terre pour tous. Ils essayent de s'en débarasser de leur peine, sur l'autre, au moment de l'amour, mais alors ça ne marche pas et ils ont beau faire, ils la gardent tout entière leur peine, et ils recommencent, ils essayent encore une fois de la placer."

L.F. Céline, "Voyage au bout de la nuit".



Louis-Ferdinand Céline - Michel Audiard
envoyé par alcyon12